Dans mon dernier article je parlais de mon top 10 (en fait 9, mais vous apprécierez le mensonge) des livres à absolument lire concernant le comportement animal!
J’aimerais maintenant aborder un sujet qui m’est cher : celui des concepts de conditionnement, de la psychologie, du comportement et de la science de l’apprentissage. Si tu es comme moi, tu aimes probablement pousser un peu plus loin que ce qui est habituellement appris lors des formations, aller fouiller dans différents livres afin de trouver LA notion qui te sera révélatrice et qui apportera beaucoup à ta pratique.
N.B.1 : Il s’agit ici d’un article comprenant des notions avancées en conditionnement. Si certains termes t’échappent, je t’invite à suivre ma formation sur les théories de l’apprentissage qui couvre toutes les notions de base nécessaire à une bonne compréhension de ce qui suit.
N.B.2 : Il est question ici d’un article visant les éducateurs canins ou les professionnels travaillant dans le domaine du comportement animal. C’est pourquoi, si tu es néophyte dans le domaine, il est possible que ta tête explose! De Main De Maître se détache de toute poursuite visant à payer des professionnels pour nettoyer les murs couverts de morceaux de cervelle!
Cet article abordera les notions suivantes :
- Les différents types de techniques liées au conditionnement classique
- Le pseudo-conditionnement, qu’est-ce que c’est?
1) Le conditionnement classique, plus complexe que jamais!
C’est malheureux… Et je ne sais pas encore pourquoi le modèle initial proposé par Pavlov est aussi populaire alors que des recherches massives ont été effectuées dans les dernières années, notamment par les scientifiques Rescola et Wagner. Ces deux bêtes de science ont apporté BEAUCOUP (énormément, à la folie) de nuances au modèle initial de Mr. Clochette.
Le modèle initial est souvent enseigné d’une façon assez simpliste : qu’un lien temporel entre un stimulus (par exemple une clochette) et un autre stimulus (par exemple de la nourriture) finira par créer une réponse émotionnelle conditionnée. Rescola et Wagner ont révolutionné (sauf dans le domaine de l’éducation canine) la manière d’aborder le conditionnement classique.
Pour créer une réponse conditionnée il ne s’agit non plus uniquement de présenter la clochette et la nourriture dans un délai raisonnable, mais aussi :
- De contrôler la magnitude de ce qui sera donné à l’individu (par exemple, des croquettes VS du poulet rôti)
- De veiller à ce que le stimulus qu’on souhaite conditionner ait été le moins possible exposé au préalable (plus un stimulus est nouveau, plus il est facile à conditionner). On appelle ça l’effet de pré-exposition ou d’exposition initiale.
- De s’acharner à ce que chaque fois que le stimulus qu’on souhaite conditionner apparaisse, que la nourriture (ou peu importe ce que l’animal aime) apparaisse par la suite. L’un ne doit jamais aller sans l’autre. On appelle ça la contingence.
- De s’assurer que l’ordre dans lequel on présente les stimuli soit le bon : ce qu’on souhaite conditionner doit arriver AVANT la présentation de la nourriture (ou autre). Pas en même temps. Pas après! AVANT!
Il ne s’agit ici d’une PARCELLE de ce qui est essentiel de comprendre du conditionnement classique. J’en parle d’ailleurs pendant plus d’une journée pendant ma formation intensive sur les théories de l’apprentissage, tout comme je l’aborde aussi dans ma formation sur les plans d’entraînement et dans celle sur la réactivité et l’agression canine. Comme quoi, il ne s’agit pas d’un sujet simple, comme quoi il s’agit de notions essentielles!
Je pourrais passer des heures à discuter des facteurs qui affectent notre travail comme comportementaliste quand on tente d’utiliser le conditionnement classique comme les intervalles, le nombre de pairages, le conditionnement classique par « tracés » (trace conditionning) ou par « délais » (delayed conditonning)… Et bien plus!
D’ailleurs, comme Paul Chance l’a mentionné dans son livre Learning and Behavior, après 100 ans d’études le phénomène du conditionnement classique n’est pas encore bien compris!
2) Le pseudo-conditionnement
La connaissance de ce concept-clé vous aidera à mieux comprendre que certaines réactions de nos animaux, alors que nous avons tenté de conditionner quelque chose, ne sont peut-être pas liées au fruit de notre entraînement!
Imaginons… Vous êtes un chercheur en comportement animal. Disons que nous sommes en 1960 et que les règles éthiques sont moins strictes qu’aujourd’hui en ce qui a trait à ce qui doit être tenté ou non pour la science (espérons ici que je ne sois pas trop optimiste).
Muni de quelques malheureux rats et d’une folle envie d’en martyriser quelques uns, vous découvrez que suite à l’exposition d’un stimulus inconditionnel aversif, que les petites bêtes restent sensibles non seulement au stimulus qui a précédé la douleur mais aussi à tout autre stimulus. L’animal est en quelque sorte sensibilisé pendant une certaine période de temps.
Qu’on lui présente un tournevis ou une danseuse à claquette, l’animal réagit exactement comme s’il avait déjà été conditionné négativement à ces stimuli.
Bon. Et dans la vraie vie, ça mange quoi en hiver* le pseudo-conditionnement?
Je ne sais pas si ça mange quelque chose, mais ça fausse énormément les résultats de recherche, car un stimulus qui peut sembler conditionné peut dans les faits ne pas l’être.
C’est pourquoi les études sérieuses portant sur le conditionnement utilisent un groupe de contrôle afin de s’assurer que l’individu est bel et bien conditionné, et non pas momentanément sensibilisé.
Mais, surtout, c’est ce qui explique qu’un animal momentanément sensibilisé par l’utilisation d’un aversif peut réagir par peur à d’autres gammes de stimuli. Prenons l’exemple d’un chien qui viendrait d’être étranglé avec un collier (du même nom) étrangleur. Il pourrait alors être effrayé par son humain, par ce qu’il voit autour de lui, par le chien qui a passé l’autre côté de la rue… Et cela pourrait se répercuter sur son entraînement et sur sa perception de son environnement ultérieurement!
*Pour mes amis Européens : Une façon de dire qu’on ignore de quoi parle notre interlocuteur, de s’enquérir de la nature d’une chose qu’on ne connaît pas.
Sous-titre un peu nul pour une conclusion
J’espère avoir éveillé votre curiosité par rapport à différents concepts liés à la science de l’apprentissage! Être éducateur canin est un métier complexe, d’où la nécessité d’être à jour et compétent dans différentes sphères :
- Contact avec le client (et tout ce que ça implique!)
- Nouveautés scientifiques sur le chien en tant que tel
- Mécanique d’entraînement
- Méthodologie et structure
- Science de l’apprentissage pure et dure
- Etttttt j’en passe! Ceci n’est PAS une liste exhaustive!
Le meilleur conseil que je puisse vous donner est de voir ce qui se fait ailleurs, dans d’autres sphères, par exemple dans l’entraînement d’animaux exotiques en liberté, de lire des livres sur les problèmes de comportements… chez l’humain… de connaître les notions clés en marketing (qui vous aideront à mieux persuader vos clients par rapport aux techniques que vous proposez).
Je n’ai que d’émerveillement pour un métier qui me pousse à avoir tant de cordes à mon arc!
Comme dirait mon vieil ami Socrate, tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Il faut donc toujours continuer à apprendre et à se questionner!
Simonne Raffa, propriétaire de De Main De Maître et intervenante en comportement canin
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