Quand on vit avec un chien, on finit par bien le comprendre. On apprend à reconnaître lorsqu’il a faim, envie de pipi, on reconnaît bien sa « face de chien qui a envie de jouer » et parfois on extrapole même un peu. Qui n’a jamais dit « Il n’aime pas quand les autres chiens font ça, il est jaloux », ou « Il croit qu’on ne le voit pas faire ça. » ? Moi la première, alors je ne vous jette pas la pierre !
Mais au fond, qu’est ce que j’en sais ? Je ne suis pas dans la tête de mon chien ! Je suppose que c’est le raisonnement que mon chien a, mais je ne pourrai jamais en être sûre. Alors, comment savoir ce que pensent nos chiens ?
Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur deux émotions que nous leur prêtons peut-être un peu trop souvent : la jalousie et la vengeance.
La jalousie, la vengeance : des concepts trop complexes pour un chien ?
Avant de déterminer si nos chiens ressentent ces émotions, nous allons les définir précisément. Promis, je vais faire ça court. 😉
Définitions du mot « jalousie »
Sentiment fondé sur le désir de posséder la personne aimée et sur la crainte de la perdre au profit d’un rival. (Larousse)
Pensées et sentiments d’insécurité, de peur et d’anxiété concernant la perte anticipée ou pas d’un statut, d’un objet ou d’un lien affectif ayant une importante valeur personnelle.
Donc pour faire simple, ressentir de la jalousie c’est considérer quelque chose à soi et ne pas vouloir le perdre. On a tendance à confondre ce sentiment avec l’envie, c’est-à-dire le fait de vouloir ce qu’un autre individu possède.
Définition de « se venger »
Procurer réparation d’une offense, d’un préjudice en en punissant l’auteur. (Larousse)
Donc si je résume, la vengeance c’est l’action de punir quelqu’un quand on a été offensé par ses actions.
Je vous vois venir : mais où est-ce qu’on s’en va avec ça ? Pourquoi nous embêter pour des nuances de vocabulaire ?
Et bien tout simplement, parce que ce sont des mots que nous avons tellement l’habitude d’utiliser qu’ils deviennent des étiquettes sur nos chiens.
Est-ce que mon chien est vraiment jaloux ?
Par exemple, si je vois Nanaki, mon Border Collie, s’élancer vers moi lorsque je flatte Shelby, sa sœur Berger allemand, je vais lui dire en riant « Jaloux, un peu, hein Nanaki ? ». Comme je suis humaine, je vais avoir tendance à généraliser cette affirmation sans même en avoir conscience !
Si plus tard dans la journée j’emmène Shelby au parc à chiens, mais que Nanaki n’a qu’une marche régulière et qu’il me fait beaucoup de demandes d’attention le soir, mon analyse risque d’être teintée par ce que j’ai dit le matin même.
Mon cerveau d’humain risque de biaiser l’information, car il va prendre en compte l’étiquette « jaloux » que j’ai collée à mon chien. On pourrait alors penser : « Il jappe après elle, car il a été jaloux (envieux, en fait !) de la visite au parc de sa sœur (on s’entend, il ne sait même pas qu’on est allé au parc !) et il se venge en jappant après l’humain. Le chien est peut-être même dominant ! »
En réalité, je devrais plutôt me dire : « Il a eu moins d’exercice, c’est normal qu’il me fasse des demandes d’attention. La prochaine fois, je vais lui donner l’exercice dont il a besoin. » Je sais alors comment régler ce problème, je sais aussi comment le prévenir à l’avenir, contrairement à si je ne fais que penser au fait qu’il est peut-être « jaloux » et qu’il « se venge ».
Commencez-vous à voir le problème des étiquettes « jaloux » et « vengeance » ?
Dans un cas, nous avons un comportement indésirable clair (il jappe pour avoir de l’attention), avec une cause immédiate claire (il manque d’exercice et de stimulation), donc une solution facile et même de la prévention à mettre en place pour la suite (lui fournir l’exercice dont il a besoin). Ça a aussi l’avantage d’être un raisonnement rationnel, qui nous crée moins de frustration ou de colère envers notre chien. « Tu es tannant, ça m’énerve sur le moment, mais je comprends aussi pourquoi donc je ne t’en veux pas trop. »
Dans l’autre cas, nous avons collé sur le chien une étiquette d’émotion complexe, qui lui prête une intention. Deux choses non vérifiables concrètement, dont on ne peut pas être certain. Donc, nous n’avons pas de solution à y apporter. Et que se passe-t-il lorsque nous sommes confrontés à un problème sans solution ? Frustration, colère et ressentiment. Ceci n’aide évidemment personne et ne règle pas le problème !
Un exemple de chien jaloux qui se venge !
Dans mon exemple, ce n’est pas si grave, non ? Mais si je remplaçais la visite au parc à chiens par l’arrivée d’un bébé ? Je vous le décris rapidement : le chien a moins d’exercice ou de stimulation, car les nouveaux parents manquent de temps et d’énergie, c’est normal, on s’entend !!
Le chien est tannant, fait des demandes d’attention ou se trouve des occupations que les humains n’aiment pas : destruction, vol des nouveaux-jouets-qui-sont-en-fait-ceux-du-bébé, etc.
Si les humains de ce chien se disent qu’il manque de stimulation et que ça explique ses comportements, alors automatiquement, ils ont une multitude de solutions ! Ils pourront alors trouver des façons d’augmenter sa dépense énergétique pour régler le problème.
Si les nouveaux parents pensent que leur chien est jaloux, ils sont sans doute fâchés et ne voient pas le bout du tunnel ! Et dans certains cas, la solution qu’il leur reste sera de replacer le chien, chez des amis s’ils sont chanceux, en refuge s’ils le sont moins. Et voilà exactement où est mon problème.
Le Canon de Morgan, ou comment ne pas sur analyser les problèmes de comportements de votre chien
Il existe en fait un moyen simple de rester le plus proche possible de la vérité lorsqu’on tente d’analyser ou de modifier un comportement animal. Ça s’appelle le Canon de Morgan : c’est un principe de rigueur scientifique qui permet d’éviter un biais d’anthropomorphisme (donner des émotions ou intentions humaines à un animal). Voici ce que le psychologue britannique Lloyd Morgan a énoncé :
« In no case is an animal activity to be interpreted in terms of higher psychological processes if it can be fairly interpreted in terms of processes which stand lower in the scale of psychological evolution and development. »
Comme je suis sympathique, je vous traduis ça… (en fait non, remerciez Wikipédia !)
« Nous ne devons en aucun cas interpréter une action animale comme relevant de l’exercice de facultés de hauts niveaux, si celle-ci peut être interprétée comme relevant de l’exercice de facultés de niveau inférieur. »
Donc, l’explication la plus simple au comportement de votre chien est celle qui a le plus de chances d’être la bonne.
Quelques exemples que les intervenants canins entendent souvent sur le comportement animal
« Mon chien est jaloux de mon nouveau conjoint : depuis que je le fréquente, il détruit des objets dans la maison juste pour se venger. »
–> Les faits : la routine a changé, le chien a commencé à faire de la destruction.
–> Explication la plus probable : le changement de routine a stressé le chien ou fait en sorte qu’il a moins d’activité physique et mentale qu’à l’habitude. Il détruit par ennui et stress. Ce sont deux choses faciles à rattraper ! Augmenter son exercice physique, jouer avec lui et lui procurer des activités masticatoires et de la stimulation mentale sont de bons exemples de solutions.
Pour vous aider avec ce problème :
- Mon chien détruit tout dans la maison
- Mon chien fait toujours des bêtises
- Boîte à outils pour le chien énergique
« Mon chien n’aime pas quand je le laisse seul longtemps, alors il se venge en urinant partout. Pourtant il sait qu’il ne faut pas parce qu’il se retient quand je suis là. »
–> Les faits : le chien est seul pour une longue durée, il urine dans la maison.
–> Explication la plus probable : le chien n’est pas entraîné à se retenir aussi longtemps ou cette absence prolongée le stresse ce qui l’amène à être malpropre. Nous avons donc le choix entre solidifier la propreté du chien, l’entraîner à aimer rester seul pour de longues durées ou encore couper les absences en deux grâce au service d’un promeneur de chiens. Problème résolu !
Pour vous aider avec ce problème :
- Comment rendre son chiot/chien propre ?
- Les mythes et réalités de l’apprentissage à la propreté chez le chien
- Séminaire : apprentissage de la propreté chez le chien
- Mon chien n’aime pas être seul : l’anxiété de séparation
« Mon chien adulte est jaloux du nouveau chiot : si nous sommes en train de flatter notre chien plus âgé et que le petit approche, il grogne ! »
–> Les faits : le chien a accès à une ressource (les caresses de son humain) et est en train d’en profiter. Un autre être vivant s’approche de sa ressource.
–> Explication la plus probable : le chien adulte fait simplement de la protection de ressources ! Il se sent menacé par l’approche du chiot près de sa ressource.
Pour vous aider avec ce problème :
- Mon chien grogne lorsque j’approche de son os ou sa nourriture
- Mon chien grogne lorsque je veux le descendre du divan
- Les grognements chez le chien : évitez la catastrophe !
Petit détail intéressant pour les linguistes en herbe : vous souvenez-vous de la définition officielle de jalousie ? Pas le sens que nous utilisons couramment, qui est généralement l’envie, mais bien « Pensées et sentiments d’insécurité, de peur et d’anxiété concernant la perte anticipée ou pas d’un statut, d’un objet ou d’un lien affectif ayant une importante valeur personnelle. ». Si l’on y pense un peu, c’est très proche de la définition de la protection de ressources, à quelques nuances près !
Solutions faciles pour des problèmes de jalousie et de vengeance
Une fois que l’on est capable de regarder les comportements indésirables de nos amis poilus du point de vue des faits et non des intentions qui sont derrière, les modifier devient beaucoup plus facile.
N’essayez pas de deviner ce qu’il pense, ce qu’il veut et ce qu’il « sait qu’il n’a pas le doit de faire » !
Voici les questions à vous poser lorsque votre chien / chiot est « jaloux » ou se « venge »
- Que FAIT mon chien ? Nommer son comportement. Exemple : il vole les souliers
- Depuis quand le comportement est-il présent ?
- Combien de fois le fait-il ?
- À quel moment le fait-il ?
- Est-ce que j’ai géré l’environnement pour qu’il ne pratique pas le comportement? (Exemple : ranger les souliers, restreindre l’espace avec des barrières de bébé ou un enclos pour qu’il n’atteigne pas les souliers.)
- Est-ce que je lui ai proposer autre chose à faire ? (Exemple : gruger un os ou manger dans un jeu interactif au lieu de voler des souliers.)
- Est-ce que je lui ai appris à faire autre chose ? (Exemple pour un chien qui saute : s’asseoir au lieu de sauter.)
- Présente-t-il des signaux d’apaisement (le langage des chiens) qui pourraient laisser croire qu’il n’est pas bien ?
- Est-ce que sa routine a changé dernièrement ? (Exemple : déménagement, arrivée d’un enfant, nouveau conjoint(e), etc. Tous des éléments qui peuvent stresser le chien !)
Et finalement, travaillez ce problème !
Vous ne savez pas comment faire?
Pas de magie ici : voici la règle d’or en comportement canin
Les chiens font ce qui fonctionne pour eux
Voilà, aussi simple que ça.
Ce que ça veut dire : mon chien gruge les pattes de chaises parce que ça fonctionne pour lui. Ça lui apporte quelque chose (sinon il ne le ferait pas !), ça répond à un besoin : c’est renforçant pour lui. Donc j’ai le choix de réduire son besoin en le comblant et en lui fournissant une façon « appropriée à mes yeux » d’y répondre.
Mon chien n’est plus propre : c’est le temps de consulter le vétérinaire pour d’abord éliminer les causes médicales puis de simplement de reprendre un protocole de propreté.
En fait, on retombe tout simplement sur les concepts du conditionnement. Ni plus ni moins. Si votre chien a une « rechute » et vous connaissez déjà un protocole ou un exercice pour travailler le problème que vous rencontrez, repartez de zéro et utilisez-le ! Et sinon, contactez un intervenant en comportement canin afin d’avoir l’aide d’un professionnel et d’avoir le maximum d’outils possibles pour régler la situation !
Donc finalement, tout est toujours simple dans la tête d’un chien ?
Voici la dernière question de notre petite aventure psychologique du jour. Est-ce je suis en train de vous dire que les raisonnements dans la tête du chien (ou du chat) sont basiques ? La réponse est non, bien sûr. Peut-être que les chiens ressentent certains des sentiments complexes que nous avons à notre répertoire. Peut-être qu’il leur en manque certains. Peut-être même qu’ils ressentent des émotions que nous ne connaissons pas !
Pour l’instant, la science ne nous fournit pas beaucoup d’informations à ce sujet, mais j’aimerais autant que vous pouvoir un jour entrer dans la tête d’un chien !
Mais si notre but est de modifier leur comportement ou changer comment notre chien se sent (menacé, stressé, anxieux, apeuré, etc.), la méthode optimale pour le faire sera de passer par leur comportement en termes concrets et d’utiliser des faits. Parce que je peux affirmer ce que mon chien fait et me fier à ses signaux d’apaisement, mais je ne peux qu’émettre des hypothèses sur les raisons et causes de ses actions. Peut-être que j’ai raison, peut-être que non. Alors, autant me fier à ce dont je suis certaine.
Et qui sait, peut-être qu’un jour nous serons tous connectés aux cerveaux de nos chiens. Et nous verrons sur nos téléphones intelligents que nos chiens sont fâchés et nous leur demanderons si tout va bien et si ça les dérange qu’on sorte sans eux ce soir. Ils pourront nous répondre avec un ton glacial « Fais comme tu veux. ».
J’ai hâte, pas vous ?? ????
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Article rédigé par Nina Esmery, CTC, éducatrice en comportement canin
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Lise Carpentier dit
Bonjour, ma Rosie a 8 ans ,un cocker américain, très douce , depuis que des bébés et de jeunes enfants sont souvent à la maison ( nous sommes grands parents) depuis 3 ans , elle jappe quand je porte un enfant dans mes bras, quand un enfant coure , elle saute dessus , vole leur jouets , les enfants finissent par avoir peur d elle. Nous on a peur qu’elle finisse par leur faire mal. Une situation infernale. Que doit on faire pour la calmer?
P.S. C’est une chienne anxieuse, quand trop de stress elle se lèche les pattes et il faut l arrêter car elle se cause des lésions.
Clara Gosselin-Saucier dit
Bonjour Lise,
Je comprend que la situation ne semble pas facile à vivre.
Puisque la situation semble complexe, il est difficile pour nous de vous répondre sans avoir davantage d’informations. Pour mieux vous aider, je vous invite à remplir notre formulaire d’évaluation en ligne gratuit : https://evolutioncanine.ca/evaluation-gratuite-du-comportement-de-votre-chien/
Nous serons alors davantage en mesure de vous répondre adéquatement!
RichardM dit
Bonjour,
vous avez entendu parler de l’étude traitée dans cet article ? :
https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/jaloux-le-chien-vraiment_100338
Ou de celle-ci ? :
https://animalstudiesrepository.org/cgi/viewcontent.cgi?article=1319&context=animsent
Ce sont des études qui démontrent qu’une forme de jalousie chez le chien existe.
Cependant, votre argument de ne pas étiqueter et chercher à combler les besoins de nos chiens reste tout à fait pertinent. C’est simplement que ces études nous permettent de comprendre un peu mieux le « pourquoi ». 🙂
Simonne dit
Bonjour Richard,
Merci pour les références! Le domaine des science comportementales ne cesse d’évoluer et nous ne cesson d’en savoir plus sur les chiens. Toutefois, les études sont loin d’être totalement concluantes à ce sujet même s’il s’agit d’un bon point de départ. Tout ça pour dire qu’on est pas près de pouvoir affirmer le sentiment de jalousie chez le chien; pas que je ne crois pas qu’il ne puissent ressentir de tels sentiments.
Si tu veux veux on peut poursuivre la discussion en PV, je fais un blitz de réponses mais je dois avouer que c’est dur de tout gérer par commentaire 🙂
Charles G. Couturier dit
« Appliqué rigoureusement aux animaux – et aux animaux seulement ! –, le canon de Morgan encourage une vision saltationniste qui laisse l’esprit humain perdu dans un vide sidéral évolutif.
Morgan a eu le mérite de reconnaître lui-même les limites de son canon : il nous a enjoint de ne pas confondre la simplicité et la réalité. »
(Frans de Waal, « Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux », chap#2)